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19 novembre 2008 3 19 /11 /novembre /2008 22:29
source: El Watan 20 novembre 2008

Ighil Ali. Voyage au bout d’une mémoire occultée

Le quatuor écarté

Accolée aux majestueux monts des Bibans, la région d’Ighil Ali, à 90 km au sud-ouest de Béjaôia, veille, esseulée, sur la mémoire de ses enfants. Le village, plus près du ciel que de la terre, n’a rien de commun. Et pour cause, il est le sanctuaire d’une fournée d’écrivains : Fadhma Ath Mansour, Jean El Mouhoub et Marguerite-Taos, issus d’une même famille, les Amrouche, et Malek Ouary. La réputation de ce quatuor dépasse largement les frontières de l’Algérie mais souffre toujours d’une occultation du Panthéon de la mémoire nationale.



Il faut jouer des coudes pour s’offrir un bout de place à l’intérieur des J9 qui ont toujours le vent en poupe en Kabylie. Sur ce chemin de wilaya en lacets, de gros engins et des ouvriers s’échinent à élargir la chaussée pour en faire une route nationale. Les citoyens croisent les doigts pour chasser l’injuste sort qui colle à leur patelin. Le développement ici ? « Un mot creux », souffle un villageois. Omar Naili, 54 ans, résidant en France, préfère la magie du petit matin en son village que le climat atrabilaire parisien. Il nous invite à une immersion dans son histoire « tue et altérée ». Première halte : la maison des Amrouche où naquit Jean El Mouhoub, une nuit poudreuse de février 1906. Sise au « village d’en haut », comme le désignait sa mère, Fadhma Ath Mansour, dans son témoignage, Histoires de ma vie, la maisonnette, jadis résonnante de vie autour du patriarche Hacène Ou Amrouche, est en ruines. Un silence polaire y règne. On y parvient par des ruelles serrés et labyrinthiques. Omar racle ses souvenirs. « Nous étions une bande de gavroches à courir derrière Jean El Mouhoub. C’était en 1958. Cela nous intriguait beaucoup de voir un homme en short le temps des vacances, alors que nous étions habillés de haillons. Il était élégant. C’était la première et la dernière fois que je le vis avant qu’il ne disparaisse en 1962 », se rappelle-t-il. Des villageois racontent aussi que l’écrivain, comme sa famille, aimait ses montagnes d’un amour ombilical. L’enfant prodigieux d’Ighil Ali n’a jamais rompu les liens. Il venait fréquemment. Idem pour sa mère, symbole de la Mater Dolorosa, qui ramenait ses enfants à la source du terroir. « A chacune de ses visites, Jean El Mouhoub adorait s’adonner à la capture des étourneaux », se remémore une vieille dame, attirée par notre discussion.

Escale à l’école du village. Il faut d’abord passer par le quartier… chrétien. Le mot est lâché ! Il y a quelques mois, une campagne virulente désignait la Kabylie comme fief d’une « reconquista » évangélique. Le reporter Djamel Alilat évoque ces clichés malveillants : « Ighil Ali a été longtemps catalogué village chrétien en dépit du fait que seules quelques familles ont adopté la religion chrétienne », explique-t-il. Le journaliste convoque l’histoire locale : « L’éclosion de tels talents dans un village perdu comme Ighil Ali a un rapport direct avec l’installation de missions des Pères Blancs et des Sœurs Blanches dans la région aux alentours de 1876, chose qui n’a été rendue possible que par la lourde défaite de la Kabylie lors de l’insurrection de 1871, menée par El Mokrani et Cheikh Aheddad. » Dans ce quartier, un pâté de maisons, très « french touch », affronte le temps. C’est ici que des familles kabyles chrétiennes vivaient dans un esprit communautaire, loin des regards indiscrets ou réprobateurs. On peut citer la maison d’Antoine-Belkacem Amrouche, père des deux écrivains, celle de Réné le postier, évoqué par Fadhma Ath Mansour dans son roman-autobiographique, et celle aussi de Malek Ouary, mort dans l’anonymat en 2001, auteur d’une trilogie, introuvable sur le marché du livre national au même titre que les œuvres de Taos Amrouche. A l’indépendance, toutes ces familles ont plié bagages de peur de représailles. Au village, les Balit, les Zehoual et les Ouary ne sont qu’un souvenir fugitif et passéiste. Issue d’une famille originaire d’Ighil Ali et établie à Saint-Etienne depuis longtemps, Sylviane Zehoual rêve toujours : « Mon souhait le plus cher est d’aller un jour voir par mes propres yeux le lieu du berceau de ma famille. J’en ai les larmes aux yeux. Je ne sais pas pourquoi cela me tient tant à cœur. ».

A l’entrée de l’école, une plaque en marbre incrustée dans le mur depuis 1963 et écrite en arabe et en français nargue les esprits oublieux : « Jean Amrouche, écrivain et patriote. 1906-1962 ». Malgré cet ascétique hommage rendu à l’époque par les hommes du valeureux colonel Mohand Oulhadj, officier de l’ALN, le nom de l’auteur de Cendres, recueil de poèmes mystiques, et celui de sa sœur et de sa mère, ont été gommés de la mémoire déjà chétive de nos écoliers et étudiants. Les manuels scolaires, maintes fois liftés, ne parlent pas d’eux. Seuls, des critiques de la presse nationale s’efforcent, périodiquement, de dépoussiérer leur mémoire. Djamel Alilat résume leur tragédie : « Ils ont le triple tort d’être kabyles, francophones et chrétiens. C’est beaucoup trop pour un pays comme l’Algérie qui a fait de l’arabité et de l’Islam des dogmes en dehors desquels rien ne peut se concevoir », tranche-t-il. Selon notre confrère, Jean El Mouhoub, Taos et Malek Ouary se sont d’abord abreuvés de culture et de littérature française avant un retour salutaire vers leur culture d’origine. « Taos a sauvé de l’oubli des chants ancestraux avant de s’impliquer dans la création de la fameuse académie berbère de Paris, tandis que Jean El Mouhoub et Malek Ouary ont publié des livres de poésie kabyle ancienne, sans oublier, bien entendu, le fameux message de Jugurtha de Jean ». Notre consœur de La Tribune, Rachida Merkouche, native de la région, nous sert quelques fragments de souvenirs, fruits de la mémoire de ses parents : « Les familles musulmanes ne côtoyaient pas les Amrouche. Seuls, les enfants allaient dans ce quartier par curiosité pour voir ces femmes ressemblant à des françaises ».

Autant que sa sœur, l’écrivain disposait d’une grande aura dans le gotha littéraire. André Gide, Paul Claudel, François Mauriac, Jules Roy, Guiseppe Ungaretti, Jean Giono et d’autres ne tarissaient pas d’éloges à son égard. Claudel affirmait : « Comme celle de Mauriac et de Gide, Amrouche, connaissait mon œuvre mieux que je ne la connaissais moi-même (…) Qui nous aura vraiment lu, sinon Amrouche… ». Mais le champ d’action de l’écrivain n’était pas cloîtré dans la création littéraire. Il fut même le médiateur attitré entre le FLN et le général de Gaulle sur lequel il fondait un espoir fou pour mettre un terme à l’effusion du sang. Certains lui reprochaient d’être « un inconditionnel gaulliste ». Ferhat Abbas, président du GPRA, se chargea personnellement à l’époque de faire taire les mauvaises langues dans un texte écrit en 1963, après la mort de l’écrivain, et où il affirmait directement : « Jean Amrouche avait raison ». Malgré cet hommage appuyé et celui de personnalités de renom, à l’image de Krim Belkacem, Mohammed Dib, Jacques Berques, Léopold Sédar Senghor, le nom des Amrouche n’a pas reçu de lauriers. Le fils de Jean El Mouhoub (voir ci-dessous), clarifie les relations de son père avec de Gaulle. Ici, on se souvient du malheureux épisode de l’interdiction faite à Taos de chanter dans son pays, lors du Festival panafricain d’Alger de 1969. Elle accepta humblement l’invitation des étudiants de la cité universitaire de Ben-Aknoun. Au village, la maison des Amrouche, considérée comme un bien vacant du FLN, s’est trouvée occupée à l’indépendance par un ancien et ombrageux moudjahid. Celui-ci à déjà interdit à Pierre Amrouche et Laurence Bourdil (fils de Jean El Mouhoub et fille de Taos) de visiter la maison de leurs grands-parents. A deux reprises, ils sont repartis bredouilles, raconte-t-on ici.

Derrière l’école, le minuscule cimetière chrétien aux tombes éparpillées parmi les herbes folles. Nous poursuivons vers le lieu ou était implanté le couvent, qui servait d’ouvroir aux jeunes filles, rasé depuis 2001. Les villageois ont vainement protesté et les arguments de l’APC ne les ont pas convaincus. En lieu et place, une imposante bâtisse est érigée pour abriter le siège de la sûreté de daïra. Selon Omar, le ton avait été déjà donné durant les années 60 : « Le couvent a été transformé en centre culturel islamique durant les années Boumediene avant de se transformer en siège de la gendarmerie ». Pour lui, il est sûr que les officiels algériens ont voulu à tout prix déchirer cette page d’histoire. Dans tout le pays, seul un lycée à Sidi Aïch et, à titre encore officieux, la maison de la culture de Béjaïa portent le nom de Taos Amrouche. Avec de maigres moyens, l’association Jean El Mouhoub et Taos d’Ighil Ali envisage « leur réhabilitation par la publication de leurs œuvres, des colloques à leur mémoire et la dénomination d’institutions et de lieux en leurs noms ». A notre retour, les villageois ont chargé notre besace de questions. Les pouvoirs publics daigneront-t-ils enfin rendre justice à ces éternels exilés ? Verra-t-on les noms de Fadhma, Taos, Jean El Mouhou et Malek rétablis au trône de la mémoire officielle ?



Par Hocine Lamriben



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17 novembre 2008 1 17 /11 /novembre /2008 01:40
Le Soir: Dimanche 26 Décembre 2004
Kabylie Story : Bordj-Menaël, théâtres
Par Arezki Metref


“On se retrouve au Petit-Montagnard”, me dit Omar Fetmouche au téléphone. A travers les grésillements du portable, mon embarras est passé. “Tu demandes. Tout le monde connaît”. C’est donc ça, la rue principale de Bordj-Menaël : un champ de ruines ? De part et d’autre de la chaussée, la rue porte les stigmates du séisme du 21 mai. «Vert en bas, rouge en haut», déplore Omar. Les commerçants, en désespoir de cause, sont revenus occuper leurs échoppes sur lesquelles les experts ont apposé des signes à la peinture rouge classant les bâtisses comme candidates à la démolition.
Mais elles sont non seulement pas démolies, mais il n’est même pas question, pour le moment, de reloger les commerçants. Alors, sans demander rien à personne, ils sont revenus. Jusqu’à l’UGTA qui continue à squatter un bâtiment à moitié effondré. Il y a quelque chose de tragiquement surréaliste dans cette plaque informant de la localisation de l’UGTA, placée de guingois entre deux blocs de pierre détachés de la façade. Une balade dans le centre-ville, c’est une virée dans une ville-témoin. En effet, on a l’impression que c’est toute une ville qui a été laissée à l’état de débris comme par souci pédagogique consistant à montrer de quelle force de destruction est capable un séisme. Mais une loi naturelle est aujourd’hui bien connue : ce n’est pas le séisme en soi qui est destructeur. C’est l’incompétence des hommes. Le Stella, cette salle mythique que Omar Fetmouche et sa bande de copains qui ont enraciné une tradition théâtrale solide dans une ville des passages ont choisie comme lieu d’élection, n’a pas été épargnée. L’intérieur est un amas de ruines, au milieu desquelles s’affairent les ouvriers. La façade qui donne sur la rue tient debout, avec ses plaques, celle qui annonce l’inauguration du théâtre en 1999 et celle qui donne le nouveau nom du lieu : théâtre Sindjab (l’écureuil). Omar Fetmouche, dont le nom est désormais lié à la ville, est un homme qui a su marier ses deux passions : le théâtre et Bordj-Menaël.
Théâtres de Fetmouche

Mon père est “descendu” de Tafoughalt, en Grande-Kabylie, dans les années 1940, comme beaucoup de familles menaïlias», dit Omar pour appuyer que 80% de la population de la ville est kabyle, «surtout les commerçants». Collégien, Omar est enclin au théâtre. Ce penchant adolescent est boosté par des profs et, aussi, par le climat culturel de la ville en ce début des années 1970. Le ciné-club Révolution dissèque les messages subliminaux des films de Jancso au cinéma El Djamal. Dans la cave du Rond-Point, le café culturel du coin, l’orchestre répète une synthèse de tous les genres musicaux algériens. Dans la même cave et, parfois, chez Papa, au Petit-Montagnard, des conférences suscitent des débats enflammés. On refait le monde, dans tous les sens. On dresse des plans sur toutes les comètes. Le petit Omar baigne là-dedans, dans ces eaux bouillonnantes de la création qui ne submergent pas une ville comme piquée par la mouche tsé-tsé. Le moment ténu, interstitiel, qui verra Omar Fetmouche balancer dans le théâtre, céder à cette passion qui le dévore, c’est cette soirée de 1972 où Kateb Yacine et sa troupe sont venus donner Mohammed, prends sa valise. Il a vu la pièce, passe une soirée avec Kateb et sa troupe, et, depuis lors, plus rien n’est comme avant. Pour Omar, d’abord, pour Bordj-Menaël, ensuite. Il se lance dans le théâtre à corps perdu. Il rassemble des copains et, à partir de 1976, Bordj carbure au théâtre. Omar Fetmouche, heureux, marie donc ses deux passions. Il exporte de Bordj Menaël une image de ville vissée côté cour et côté jardin, ce qu’elle était loin d’être avant lui, et fait venir dans la cité un festival régional à saison fixe, sans compter tout ce qui peut se créer comme pièces dans le pays. Au point où, comme le dit Mohamed Agueniou, son ancien instituteur et néanmoins pivot de l’édifice culturel menaili depuis l’indépendance, «Bordj et Fetmouche ne font qu’un dans la presse». Pour une fois que ce n’est pas un joueur de foot mais un homme de théâtre qui incarne une ville, on ne va pas se plaindre. Le Petit-Montagnard Papa, le maître de céans, trône sur un passé prestigieux et deux salles. Celle dans laquelle on pénètre est encombrée de pâtisseries à la crème, qui font la joie des passants. Autrefois, tout ce que la ville recevait comme invités de marque venait déguster le café, les pâtisseries et la sagesse de Papa. Hamani, le boxeur, et Alain Delon y ont fait une halte. Kateb Yacine aimait s’y attabler. Tahar Djaout ne venait jamais à Bordj-Menaël sans y siroter son ness-ness. Mais au lieu de punaiser aux murs les photos de ses invités de marque comme dans les cafés ordinaires, Papa les tapisse de proverbes et dictons manuscrits. “Toute méchanceté vient de la faiblesse”, lit-on juste en levant le nez de sa tasse. On peut aussi méditer sur ceci : “Le cri du pauvre monte jusqu’à Dieu mais n’arrive pas à l’oreille de l’homme”. Ou encore : “Le maître qui tente d’instruire sans inspirer le goût de l’instruction est un forgeron qui bat le fer à froid “. Commentaire de Mohamed Agueniou, qui a passé sa vie dans l’enseignement : “C’est une belle chose là, que je ne connaissais pas”. Mohammed Agueniou est une autre figure de la ville. Depuis l’indépendance, il est partout où ça bouge. Il a participé à l’orchestre local en tant que chanteur kabyle, au Ciné-Club. La troupe de Fetmouche et ses camarades l’a toujours trouvé à ses côtés, y compris lorsqu’il assumait des mandats électoraux à l’APC de Bordj-Menaël. Il est joueur à la JSBM de 1963 à 1973. «C’était une époque où on jouait pour le plaisir du foot, dit-il. D’ailleurs, on payait notre cotisation». Autour de cette table du Petit-Montagnard, en compagnie de Omar et de Ahcène, un compagnon du théâtre de la première heure, nous évoquons Bordj. Son histoire. Ses figures. Les repères qui lui donneraient une cohésion. “Les repères sont presque tous tombés”, dit Omar. Mais il a trop de modestie pour ajouter qu’il y’en a encore deux, autour de cette table. Lui-même, Omar Fetmouche, et l’humble Mohamed Agueniou. Mais il est vrai que les repères physiques qui balisaient la ville sont à terre. La pâtisserie Kaïdi, à laquelle s’arrêtaient les passagers pour la Kabylie qui traversaient obligatoirement Menaël avant que la voie rapide ne soit construite, est aujourd’hui un creux entre deux immeubles. La salle des fêtes — “la plus belle d’Algérie”, s’enorgueillit Fetmouche —, transformée par je ne sais plus quel maire inspiré en Monoprix, a été achevée par le séisme. C’est aujourd’hui une plate-forme de béton, bordée de ruines et d’ordures entre lesquelles des étals de marchands ambulants ont l'air d'une survivance d'un monde qui fut dans ses rails. "La population est, ici, furieuse contre les journalistes", me dit Ahcène. Ces propos sont un commentaire de la colère exprimée par un commerçant en me voyant prendre une photo. "Photographiez nos ordures et les ruines", crie-t-il. Avec pus de 300 morts, Bordj-Menaël a été, semble-t- il, ignorée par les médias, donc par les autorités. Voilà pourquoi, encore une fois, le journaliste sert de bouc émissaire.
Le banjo de Rabah
A l'autre bout de la ville, le quartier s'appelle l'Oasis. La gargote de Rabah, c’est "Le Bon-Coin". La rue est encombrée d'engins. La boue est telle qu'elle retient vos chaussures. "Je l'ai appelé juste comme ça, sourit Rabah. En réalité, c'est pas vraiment un bon coin." La cinquantaine joviale, Rabah est président de l'association Hadj Menouar "un gars qui était du coin". Rabah est un fou de châabi, canal historique. Il ne jure que par "Amar " (Ezzahi). Il raconte son voyage dans le châabi, ici. Il a de la nostalgie pour l'époque bénie où on se produisait en pantalon noir, chemise blanche et nœud papillon rouge, les cheveux gominés. C'était, se souvient-il, un temps où les choses avaient un sens. Il raconte ses rencontres, et c'est toujours des histoires de musique. L'une des plus importantes, c'est Cherchem, qui donna des cours par ici. Puis, comme pour joindre la musique à la parole, Rabah va dans les cuisines de sa gargote et revient avec un banjo. Pendant un quart d'heure au goût sublime d'éternité, il enchaîne les touchias. La cité HLM, jouxtant "Le Bon-Coin", est une assiette vide. Il n'en reste plus rien. Les immeubles sont tombés sur les habitants. 90 morts, rien que là. On remonte vers le lacis des ruelles de la ville. Qu'y a-t-il à visiter à Bordj-Menaël? Qu'y a-t-il à en dire? A en dire, d'abord.
Ville de Kabylie
Je pose la question à Omar Fetmouche. "Est-ce que cela te choque que je démarre un reportage sur la Kabylie à partir d'ici? Omar répond par une autre question : "Je voulais te demander justement pourquoi tu démarres d'ici?". Il est incontestable que Bordj-Mena est une ville kabyle même si elle est un peu, aujourd'hui, une sorte de frontière linguistique avec le kabyle dans une rue et l'arabe dans l'autre. Mais qu’elle fut totale kabyle, c'est sûr. Il n'est que de voir les tableaux de Calvaux, exposés à la salle des délibérations de la mairie, montrant le marché de Bordj-Menaël dans les années 1930 : on est bien en pays kabyle. Que Bordj-Menaël ait été organiquement amputée de la wilaya de Grande Kabylie pour être rattachée à la wilaya de Boumerdès créée à la faveur d’un découpage destiné à morceler la Kabylie, est un fait qui parle de lui-même. C'est injustement que Bordj-Menaël a écopé de l'étiquette 15,5, au lendemain du Printemps berbère de 1980. Cela stigmatisait la ville dans son manque de solidarité avec le mouvement de Kabylie. Mais autant Omar Fetmouche que Mohamed Agueniou tiennent à relativiser. Il y a une bonne partie de la population qui était pour le mouvement. Une autre, contre. Normal. Une action de solidarité devait partir de la Maison de jeunes. Mais cette dernière a été occupée alors par les CNS. Fin. Mais, en 1981, interdite à Tizi-Ouzou, la troupe de théâtre Issoulas est venue donner ici l'adaptation faite par Mohya de L'exception et la règle de Brecht. C'est la revanche des planches.
Qu'y a-t-il à dire d'autre?

Bordj-Menaël, le Fort-des-Cavaliers : le nom même du comptoir renverrait à la Numidie. L'histoire s'est déposée progressivement, au point de faire d'une route, d'un passage, une cité douée de sa propre personnalité. Le métissage l'a prémuni, du moins en partie, du délire obscurantiste. "Ce qui est à Sid-Ali-Bounab et que tout le monde sait, n'est pas arrivé ici", constate Omar. Que visiter? La Maison de jeunes, me suggère Ahcène. Bien tombés : il y a une après-midi culturelle et récréative. Une caravane de wilaya y fait étape. La salle de spectacles est bondée de jeunes enthousiastes. Une pièce démarre dans le brouhaha. Ce sont les adhérents de la maison de jeunes de Si-Mustapha qui jouent la Source, une pièce écrite pour eux par leur directeur, Azzedine Daïd. Le coryphée entre en scène, en fait le parquet dallé de la salle. Il est pieds nus. Il dit : "Nous sommes venus du réel. C'est avec notre histoire que nous venons à vous". Le chœur reprend : "Nous sommes venus du réel...". Les rideaux rouges de la salle donnent un air kitsch à l'ensemble. Quelques comédiennes portent le hidjab. Une chorégraphie s'esquisse parfois, sur fond de musique asiatique " qui évoque le ruissellement de l'eau", dit Azzedine. Place au hip-hop. Casquette de travers, survêtement, les jeunes de Bordj-Menaël dansent comme de beaux petits diables au grand ravissement de la salle. "Passez-moi une chaise", me demande une adolescente voilée. Je m’exécute. Elle se juche dessus pour voir par-dessus les épaules des autres.
A.M.

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10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 21:38
ref. Liberté
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L’Algérie profonde (Mardi 11 Novembre 2008)

L’exode à Larbaâ Nath IratHen (Tizi Ouzou)
La population fuit les villages vers les plaines
Par : A. Belmiloud

Avec une superficie totale de 39 km2 et une population de 29 000 habitants (dernier RGPH), la commune de Larbaâ Nath Irathen est confrontée au phénomène de l’exode rural et des départs de la population vers la plaine si on néglige les départs à l’étranger.

Le chiffre du dernier recensement le montre : alors que la commune comptait 29 343 âmes en 1998, elle compte actuellement 29 000. En effet, l’inadéquation entre la population et la nature du substrat économique de la région montagneuse caractérisant Larbaâ Nath Irathen, a engendré le déclenchement d’un important mouvement pendulaire entre cette zone et celle des piémonts de la vallée. “La nature du site montagneux présente un caractère répulsif pour d’éventuels investisseurs préférant s’installer dans la vallée qui offre de meilleures possibilités”, explique un ancien élu. Ces inégalités, causant le sous-développement de la région, ont entraîné un flux interne de la population vers les plaines et d’autres régions plus clémentes. Cela explique dans un sens l’existence de certains villages quasi fantomatiques, ravagés par un important exode. Un encadreur affecté à cette mission lors du dernier recensement affirme : “Des dizaines d’habitations qu’on a eu à recenser sont inhabitées.” Cependant, si le phénomène touche les villages, l’ACL, en revanche, connaît un accroissement important. De 7 088 habitants en 1998, elle passe à 8 200 en 2008. Durant ces 10 années en effet, l’ACL a connu une extension et un essor urbanistiques très importants pour les différentes réalisations entrant dans les divers programmes tels que les logements LSP, sociaux et promotionnels. Ces phénomènes de mouvements de la population (exode, départs) ne datent pas d’aujourd’hui. Au fil du temps, ils s’exacerbent et revêtent un caractère inquiétant. Selon une étude faite dans le cadre du PDAU (Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme), entre 1987 et 1998, le taux d’accroissement entre les deux recensements est égal à 0,46%, taux relativement faible montrant que la commune de Larbaâ Nath Irathen (Tizi Ouzou) est restée répulsive, ce qui a abouti à un exode des populations vers des régions attractives. Par contre, l’ACL a connu un taux d’accroissement important avec 2,5% passant de 5 385 habitants en 1987 à 7 088 habitants en 1998. Cet accroissement, conclut cette étude, est surtout le résultat d’un exode intra-communal. Alors qu’un grand nombre de villages ont connu pendant cette période un taux d’accroissement relativement négatif, citant l’exemple d’un grand village de la région où le taux est de -1,35%, soit 380 personnes de moins entre les deux recensements. Actuellement, les données et résultats du dernier recensement indiquent l’exacerbation de ce phénomène. Une question s’impose : que deviendront les villages dans les 10 années à venir ?

A. Belmiloud



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7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 01:05
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29 octobre 2008 3 29 /10 /octobre /2008 21:41
DDK 3 Novembre 08

Béjaïa, ouverture du Festival culturel local de la musique et de la chanson kabyles
Le groupe Eclipse séduit le public, Akli Yahiatène enflamme la salle

L’ouverture officielle du Festival culturel local de la musique et de la chanson kabyles a eu lieu, comme prévu, le 1er novembre 2008 à la Maison de la culture de Béjaïa. Tous les invités étaient présents à l’exception de Chérif Kheddam qui n’a pu faire le déplacement pour des raisons de santé. Sinon, Ben Mohamed, Kamel Hamadi, Chérifa, Taleb Tahar, Bélaïd Tagrawla étaient présents. Les deux premiers cités parrainent le colloque intitulé “Regards croisés sur la chanson kabyle” dont la coordinatrice scientifique est Farida Ait Ferroukh.

El Hachemi Assad, commissaire du Festival du film amazigh, était, lui aussi présent puisqu’il a signé une convention avec le commissaire du Festival culturel local de la musique et de la chanson kabyles, Ahmed Aici, également directeur de la Maison de la culture de Béjaïa.

Avant l’ouverture officielle de ce festival, une conférence de presse a eu lieu et les intervenants, Farida Ait Ferraoukh, Ben Mohamed, Kamel Hamadi et El Hachemi Assad ont souligné l’importance de l’organisation de cette manifestation culturelle. Une précision a d’abord été apportée, notamment en ce qui concerne l’absence de certaines figures de la chanson kabyle à l’instar du maquisard de la chanson, Ferhat Mehenni. En effet, les organisateurs ont insisté sur le fait qu’il ne s’agit nullement d’une exclusion, d’autant plus que ce festival aura lieu chaque année. Concernant la chanson kabyle actuelle, chaque intervenant a donné son point de vue. Tout en reconnaissant que la culture est devenue un commerce, un appel a été lancé pour investir dans le véritable art. Quant au public, il serait temps qu’il cesse d’acheter la médiocrité. Toutefois, il faut reconnaître qu’il y a eu une évolution historique. La preuve est que la langue tamazight est utilisée  à la télévision, et cela, même s’il reste beaucoup à faire. Les spécialistes se sont déclarés optimistes quant à la production de la future génération. En tout cas, le colloque qui a débuté, hier, matin est l’occasion d’échanger les expériences et il sera sanctionné, selon Farida Ait Ferroukh par un bilan artistique à la fin du festival. Pour revenir au programme du festival, côté concours et animation, c’est le groupe Eclipse qui a ouvert le bal avec une prestation digne de professionnels. Le public, avec une affluence record, a été séduit par le style inédit et merveilleux de cette troupe de Barbacha : De la musique moderne universelle mélangée avec le gnawi, le reggae…etc. Les textes chantés aussi sont travaillés avec soin. Puis, ce sera au tour du groupe-candidat de Boumerdès de passer sur scène. La soirée a été clôturée par la prestation d’Akli Yahiatène qui a enflammé la salle de spectacles de la Maison de la culture jusqu’à 23 heures.

Tarik Amirouchen

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source: L'Expression 3 Nov 08

PREMIER FESTIVAL DE LA CHANSON ET DE LA MUSIQUE KABYLES À BÉJAÏA

Une ouverture grandiose
03 Novembre 2008 - chanson engagée.

La première édition du Festival de la chanson et de la musique kabyles s’est ouverte, avant-hier, à la Maison de la culture de Béjaïa en présence des grandes figures de la chanson kabyle et des autorités locales, dont le wali de Béjaïa et le maire de la commune.
Cette manifestation culturelle a été l’occasion de rendre hommage à Farid Ali, l’un des pionniers de la chanson engagée.
D’ailleurs, c’est par l’une de ses chansons, interprétée magistralement par Djamel Allam et composée par Bazzou, que la manifestation à été ouverte. A Yemma Aâzizen Ourastrou était un moment de communion entre un public très nombreux et l’artiste. M.Bendaâmèche, inspecteur au ministère de la Culture et représentant de Mme la ministre de la Culture, a prononcé une brève allocution d’ouverture avant de céder la parole au grand Kamel Hamadi.
«Béjaïa est connue pour son art et sa culture. Il est donc normal qu’elle accueille la fête de la chanson kabyle», soulignera-t-il avant de rendre hommage aux grands noms de la chanson, aujourd’hui, disparus.
De son côté, le poète Benmohamed mettra en exergue toute l’importance de la chanson pour la langue berbère. «La chanson moderne a été le premier canal qui nous a permis de dire non!» Il rendra hommage, à sa manière, aux artistes de la région qui ont fait, dit-il «la renommée de Béjaïa». Chérif Kheddam est ensuite apparu dans un enregistrement vidéo à l’écran sous les applaudissements de l’assistance pour saluer l’initiative et souhaiter une réussite à une première édition qui en appelle d’autre. «Nous avons fait notre devoir, la génération future doit faire preuve d’imagination pour inscrire son nom dans le concert des nations», a-t-il soutenu.
Na Chérifa, Taleb Rabah sont d’autres figures de la chanson présentes à l’ouverture de la manifestation.
Avec le parrainage artistique du poète Benmohamed et de Kamel Hamadi, le Festival culturel local de la musique et de la chanson kabyle a eu le coup d’envoi qu’il mérite. Institutionnalisé par le ministère de la Culture, ce festival sera sanctionné par quatre lauréats qui prendront part au prochain Festival national de la chanson et de la musique amazighes qui aura lieu du 27 au 31 décembre à Tamanrasset.
Lors d’un point de presse animé au salon de la Maison de la culture, juste avant l’ouverture officielle, M.Aïci Ahmed, commissaire du Festival, a relevé les objectifs qui s’articulent autour de «la valorisation du patrimoine kabyle, de contribuer à la sauvegarde de l’héritage culturel kabyle, d’encourager la création et la promotion de la chanson et de la musique kabyles». Si El Hachemi Assad, commissaire du Festival du film amazigh indiquera, de son côté, que «c’est une première qui sera couronnée par un grand Festival national à Tamanrasset. La programmation d’un colloque scientifique est un axe important en direction du monde universitaire. C’est un pont entre les universitaires et les artistes. Il s’agit de mêler le festif à la réflexion d’où la thématique de ´´regards croisés sur la chanson kabyle´´».
Ce colloque, faut-il le souligner, sera animé par Farida Aït Ferroukhi, connu pour ses travaux sur la poésie chantée et la chanson kabyle, avec la participation de Claude Lefébure, Denise Brahimi et bien d’autres chercheurs. Tous les monuments de la chanson kabyle se produiront au cours de ce festival. Akli Yahiatène a assuré, hier, l’ouverture. Agraw, Yasmina, Djamel Allam, Tagrawla, Abdelkader Bouhi animeront des concerts avant que Lounis Aït Menguellet ne clôture le festival.
Ce rendez-vous culturel local sera aussi un espace culturel où les jeunes talents auront l’occasion de côtoyer les figures emblématiques qui ont marqué l’histoire de la chanson et de la musique kabyles.
Par ailleurs, tous les moyens humains et matériels ont été réunis par une équipe qui n’a ménagé aucun effort pour assurer la réussite de cette première édition afin d’honorer le choix de la wilaya de Béjaïa, d’une part, et prendre part activement à la sélection du prochain Festival national de la chanson et de la culture amazighes, d’autre part.

Ils ont dit

Kamel Hamadi:
«Je suis à la fois fier et content d’être présent à ce rendez-vous qui se tient dans une ville connue pour son art et sa culture. Béjaïa mérite amplement d’abriter un rendez-vous, premier du genre, qui ne manquera pas d’apporter beaucoup pour la chanson Kabyle. Le niveau de la chanson ne cesse de baisser, c’est pourquoi il faut vite réagir. Cette manifestation peut être un point de départ pour remédier à toutes les faiblesses.»

Benmohamed:
«Ce festival est une très bonne chose. Je suis content de prendre part à cette étape historique de la chanson kabyle. C’est une véritable évolution pour nous qui appartenons à la culture orale. La chanson moderne a été le premier pas qui a permis de dire non au moment où des jeunes se faisaient malmener pour avoir brandi un cactus, symbole de berbérité.»

Ahmed Aïci, commissaire du festival:
«Je suis entièrement satisfait de voir parmi nous des figures de proue de la chanson kabyle. Le message de Chérif Khedam m’a fait plaisir. J’avais des appréhensions au départ, mais l’entourage m’a vite permis de mesurer la faisabilité du festival. Quant aux objectifs, il y a lieu de signaler que c’est là l’occasion pour nos jeunes de côtoyer les anciens. Le colloque représente le côté académique, scientifique et de recherche qui va permettre de cerner l’objectif du festival et de réfléchir sur la thématique du prochain festival sans compter les traces écrites.»

Si El Hachemi Assad, commissaire du Festival du film amazigh:
«Tous les ingrédiens ont été réunis pour la réussite de l’événement. L’acquis reste l’institutionnalisation.
La trame est tissée et le résultat est là à travers les partenaires, les invités de marque. La caution scientifique de Claude Lefébure, chercheur au Cnrs de Paris, est en soi importante. Le colloque a été préparé dans une rigueur totale. Le travail de mémoire, notamment les émissions radiophoniques de la Chaîne II, son un apport à l’émergence de l’expression artistique kabyle, la projection de films en rapport avec le thème, a été bien fait. Slimane Azem et Hnifa seront présents avec les fils de Rachid Marabet et de Salim Alam et Ramdane Iftni. Il faut relever l’éclatement des activités du festival pour toucher une dizaine de localités de la wilaya de Béjaïa
».

Arezki SLIMANI

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