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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 19:28
Jour d'Algérie 16 juillet 09

 L’humeur de Chaâbane

Accepter nos moines

Des Algériens qui ont opté pour d’autres nationalités, disons pour la nationalité française, restent des Algériens. Aux yeux de leur pays d’accueil, aux yeux de leur pays d’origine et, fatalement, à leurs propres yeux. Des étrangers qui ont opté pour la nationalité algérienne, qui ne doivent par conséquent plus être qualifiés d’étrangers, restent néanmoins étrangers aux yeux des Algériens. Certains d’entre eux sont nés ici, d’autres se sont fait musulmans et parlent sans difficulté l’arabe, mais non, ça ne suffit pas, ce sont des étrangers. Etre étranger en Algérie, ce n’est pas seulement une caractéristique, c’est presque une infamie. On ne l’ignore pas, au contraire, on lui fait bien sentir, à l’étranger, qu’il est sous contrôle. Sa présence est sous haute surveillance. La première et unique question que nous avons l’air de lui poser, en le regardant, en lui parlant, en faisant mine de ne pas le regarder et lui parler, c’est : pourquoi es-tu là ? L’étranger qui est devenu algérien subit peu ou prou la même question, la même haute surveillance, le même regard que subissait l’Européen, dans L’Etranger, le roman de Camus. Camus, lui, pouvait se sentir français, lorsqu’il lui avait fallu choisir entre deux pays, mais il n’aurait pas dû cesser d’être à nos yeux un Algérien. Comme l’Américain Henry James ou l’Irlandais Samuel Beckett, qui ont pris pourtant la nationalité anglaise ou française. En réalité, il serait resté un étranger parmi nous même avec autre choix que celui qu’il avait pris. Etre un des nôtres ne se justifie ni par la nationalité ni par l’amour de ce pays et de son peuple. Jean Sénac n’a jamais été considéré comme un Algérien. Saint Augustin, cet illustre bougnoule comme disait Tahar Djaout, est le plus étranger de tous les étrangers qui ont eu le malheur de naître et de vivre parmi nous, et sa foi chrétienne n’est qu’un prétexte pour le rejet. Il fut un temps, après l’indépendance, où l’Algérie était un des pays les plus réfractaires au monde lorsqu’il s’agissait d’accorder la nationalité algérienne à quelqu’un. Un député FLN a demandé lors d’un congrès de son parti, dans les années quatre vingts, que l’on débaptise le Lycée Frantz Fanon d’Alger parce que, pour lui, c’est une insulte à la personnalité arabo-musulmane algérienne. Il y eut des applaudissements dans la salle, en présence du président de la République. Personne n’a répondu à ce député que Fanon est parmi les tout meilleurs enfants que l’Algérie a eu l’honneur d’avoir. Pourquoi un tel acharnement à rejeter des Algériens de cœur ou de raison, lorsqu’il faut les chérir et les honorer, et une telle obsession à faire passer pour Algériens des individus qui n’ont pour l’Algérie, au mieux, qu’une profonde indifférence ? A l’heure où nous parlons des moines de Tibherine, nous donnons le sentiment qu’ils étaient des étrangers, au sens le plus méprisant du terme, c’est-à-dire ennemis dissimulés dans un cheval de Troie. Leur foi chrétienne, leur passion religieuse ou autre, ne sont plus qu’un argument en leur défaveur. Nous les aurions voulu semblables à nous, en supposant que nous sachions vraiment ce que nous sommes, et même alors nous ne les aurions pas acceptés, parce que, au fond, nous ne sommes jamais acceptés nous-mêmes. C’est de cette façon que, par procuration, nous les avons fait enlever et tuer. Mais viendra sans doute le jour où nous serons prêts, enfin, à nous accepter dans notre diversité et dans la diversité du monde. Il faut seulement espérer que ce jour-là, il ne sera pas trop tard.

Par Abane Chaâbane

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