LE SOUFISME EN ISLAM
Depuis un certain temps, tout particulièrement depuis l’avènement de la doctrine wahhabite (école saoudienne) qui se veut le chantre du salafisme pur et dur, nous assistons à un grand malentendu opposant le soufisme (école nord-africaine, perse et turque) au salafisme. Ce malentendu prend parfois, hélas, la forme d’un conflit ouvert où l’anathème le dispute à l’excommunication (tekfîr).
Mohyiddin IBN'ARABI (1165 - 1240) le Nord-Africain
Moheïddine Ibn ’Arabî (محي الدين بن عربي), ou Mohyiddîn Abu Bakr Mohammad Ibn Alî Ibn ’Arabî al-Hâtimî, plus connu sous son seul nom de Ibn ’Arabî (né le 7 août 1165, à Murcie, en al-Andalûs (actuelle Espagne), et mort en 1240, à Damas en Syrie), mais également appelé « Cheikh al-Akbar » (« le plus grand maître », en arabe). Ibn Arabi fut le premier philosophe musulman à formaliser la tradition soufie, et aussi un théologien, juriste, poète, métaphysicien et maître arabe-andalous du taçawuff, auteur de 846 ouvrages. Certains considèrent que son œuvre aurait influencé Dante[1]. Dans le domaine métaphysique, il est le plus grand penseur de la doctrine ésotérique du "wahdat al wujud". Il eût quelques ennemis dans le domaine exotérique[2]. Dans l'ésotérisme islamique, il est considéré comme le "sceau de la Sainteté".
En 1179, à l'âge de 14 ans, il rencontre le philosophe Averroès a Cordoue (un autre génie Nord-Africain non enseigné en Algérie) . qui était un ami de son père lui-même soufi ainsi que ces oncles. Ibn Arabî se forma lui-même aux différentes formes des sciences islamiques. Il acquit une science considérable par la lecture de différents maîtres.
Ardent mystique, Ibn'Arabî est considéré comme le plus grand des maîtres de la spiritualité islamique. Sa doctrine qualifiée de “monisme existentiel” a dominé et revivifié la spiritualité soufie soulevant parfois les plus vives résistances au sein de l'Islam. Sans prétendre résumer en quelques mots son œuvre littéraire colossale (plus de 400 ouvrages), nous pouvons toutefois nous arrêter sur le fait qu'Ibn'Arabî ne fait aucune distinction entre le Créateur et sa créature de sorte qu'il considère cette dernière comme une possibilité divine. Dieu crée par Amour de se faire connaître et sa créature est la manifestation de cet Amour. Tous deux sont donc indissociablement liés par cette énergie d'Amour. En outre, l'homme étant issu de Dieu, il possède sa conscience et a donc la possibilité de se reconnaître. Par extension, à l'image de l'artiste qui se fait connaître par son œuvre et de l'œuvre qui nous éclaire sur l'artiste, se découvrir soi-même c'est découvrir Dieu en soi et découvrir Dieu c'est se découvrir soi-même. La réalisation de cette réunion au Divin par la connaissance de l'Amour est donc pour lui le but de toute vie spirituelle.
Un chemin vers Dieu (L'Expression)
Par Pr Chems Eddine CHITOUR - Jeudi 11 Aout 2011 -
Taille du texte : La musique était un vecteur qui amenait la «Fana» (extinction du corps) «Plusieurs chemins mènent à Dieu, j'ai choisi celui de la danse et de la musique.» «Dans les cadences de la musique est caché un secret; si je le révélais, il bouleverserait le monde.» «Recherche sans relâche le royaume d'Amour Car l'amour te permet d'évincer la mort.» «Purifie-toi de ton moi pour revivre en ta pure essence Relis dans ton coeur la parole des prophètes, sans livre ni professeur, ni suivi de maître.»
Djallal Eddine Roumi
Dans une précédente contribution, «L'apport de l'Islam: Plaidoyer pour la tolérance» (1), nous avons brièvement décrit la réalité de l'Islam, faite de vivre ensemble et de tolérance. Nous proposons dans cette nouvelle étude de donner un éclairage sur le soufisme, qui a vu l'avènement de personnalités hors du commun qui ont marqué leur époque et sont plus que jamais d'actualité. Sans avoir la prétention de décrire, d'une façon profonde, la force du soufisme, nous allons donner quelques exemples de soufis célèbres et comment chacun a trouvé sa voie (tariqa).
A côté de Rabi'ate al Addouya, à qui on attribue la paternité du soufisme, il nous plaît de citer et sans être exhaustif, Djallal Eddine Roumi, pour qui la musique était un vecteur qui amenait à cet état de «Fana» (extinction du corps). On raconte qu'en passant dans le bazar, il entendit le son des artisans tapant sur les plateaux de cuivre, il fut pris d'un tourbillon, il voyait les astres tourner, il se mit à tourner autour de lui-même comme les astres, donnant par la suite, à l'émergence des derviches tourneurs Leur ronde symboliserait celle des planètes autour du soleil et autour d'elles-mêmes. On ressent ici la perception de s'unir au cosmos car le soufi sait qu'il est identique à lui.
Qu'est-ce que le soufisme?
Le soufisme, écrit le Dr Nurbakhsh, est l'école de l'illumination intérieure. Le but du soufisme est la connaissance de la Vérité par une prise de conscience réelle du coeur et de l'esprit à travers l'illumination intérieure; et non par l'intermédiaire de théories et de raisonnements philosophiques ou rationnels. La méthode du soufisme est l'intention et la détermination d'aller vers la Vérité par les moyens de l'amour et de la dévotion. Cette pratique a pour nom la Tariqa, la voie spirituelle ou le chemin vers Dieu».(2)
Le soufi est l'amoureux de la Vérité; c'est celui qui, par les moyens de l'amour et de la dévotion, va vers la Perfection dont tout le monde réellement est en quête. Comme le nécessite la jalousie de l'amour, le soufi est détaché de tout à l'exception de la Vérité Réelle. Pour cette raison, il est dit dans le soufisme que, «ceux qui sont intéressés par l'au-delà ne peuvent pas donner d'importance au monde matériel. De la même façon, ceux qui sont préoccupés par le monde matériel ne peuvent pas être intéressés par l'au-delà. Mais le soufi (à cause de la jalousie de l'amour) est incapable de s'occuper de l'un ou de l'autre de ces deux mondes. Cette même idée est exprimée par Shebli qui disait «Celui qui meurt pour l'amour du monde matériel, meurt en hypocrite: Celui qui meurt pour l'amour de l'au-delà meurt en ascète. Mais celui qui meurt pour l'amour de la Vérité, meurt en soufi.»(2)
La parabole de l'éléphant
«Pour le soufi, poursuit le Dr Nurbakhsh, les sages ne voient la perfection de l'Absolu que d'un point de vue limité; aussi ils ne voient qu'une partie de l'Absolu et non l'infini dans sa globalité. Il est en fait vrai que ce que les sages voient est juste; néanmoins ils ne voient qu'une partie de l'ensemble. Ceci rappelle la fameuse histoire, contée par Roumi, à propos d'un groupe d'hindous qui n'avaient jamais vu un éléphant de leur vie. Un jour, ils vinrent dans un lieu où se trouvait un éléphant. Dans l'obscurité complète, ils s'approchèrent de l'animal, chacun le définissant à sa manière. Plus tard, ils décrivirent ce qu'ils pensaient avoir perçu. Naturellement, leurs descriptions étaient différentes. Ceux qui avaient touché le pied de l'animal prétendaient qu'il était une colonne. D'autres le jugeaient d'après son oreille, semblable à un éventail, quelques-uns le jugeaient à sa trompe, et ainsi de suite. Chacune des descriptions, par rapport aux différentes parties que chacun avait touchée, était correcte. Cependant, quand il s'agissait de décrire correctement l'ensemble, leur conception était loin de la réalité. S'ils avaient eu une chandelle, les divergences d'opinion n'auraient pas émergé. La lumière de la chandelle aurait révélé la nature de l'éléphant. C'est seulement par la lumière de la Voie spirituelle et la Voie mystique que la Vérité peut réellement se réaliser. Pour que l'individu soit réellement témoin de la perfection de l'Absolu, il doit voir avec la vue intérieure qui perçoit la réalité dans sa globalité. Ce témoignage se manifeste quand on devient parfait, c'est-à-dire quand on perd son existence partielle dans le Global.(2)
«Pour pouvoir aller vers la Perfection, l'individu doit d'abord changer sa façon négative de penser et transmuer ses passions et sa peur. Cela s'accomplit en s'harmonisant avec la nature divine. Cette voie d'harmonie (la voie spirituelle) est composée de pauvreté spirituelle, de dévotion, et du souvenir constant et désintéressé de Dieu. De cette manière, l'individu vient à percevoir la Vérité telle qu'elle est vraiment. (...) Dans le soufisme, c'est au moyen de la Tariqa (la voie spirituelle) que les passions sont progressivement purifiées et transformées en attributs divins, jusqu'a ce que tout ce qui est propre au moi individuel disparaisse. Alors, tout ce qui reste est le Parfait, le moi divin. La Tariqa est le chemin, la voie par laquelle le soufi vient en harmonie avec la nature divine. Comme nous l'avons dit, cette voie comprend le «faqr» ou la pauvreté spirituelle, la dévotion et le souvenir continuel et désintéressé de Dieu, qui sont représentés par le Khirqa ou l'investiture honorifique du derviche. Le disciple à travers ces étapes de la purification, voyage à travers la voie intérieure, la Voie spirituelle (Tariqa). Mais il (ou elle) peut faire ce voyage seulement en suivant les devoirs et obligations de l'Islam (Shari'a). Aprés avoir traversé cette voie, le disciple devient un homme parfait et arrive au seuil de la Vérité (haquiqah).Mohammed disait:
«La Shari'a forme ma parole, la Tariqa constitue ma pratique, et la haquiqah n'est que mon état»».(2)
L'écorce et le noyau (el-qishr oua el-lobb)
Le grand Maitre «Chikh al Akbar», Ibn Arabi, ne dit pas autre chose quand il parle d'écorce et de noyau. René Guénon nous en parle: «Ce titre[ l'écorce et le noyau], qui est celui d'un des nombreux traités de Seyidi Mohyiddin ibn Arabi, exprime sous une forme symbolique les rapports de l'exotérisme et de l'ésotérisme, comparés respectivement à l'enveloppe d'un fruit et à sa partie intérieure, pulpe ou amande. L'enveloppe ou l'écorce (el-qishr) c'est la shariyâh, c'est-à-dire la loi religieuse extérieure, qui s'adresse à tous et qui est faite pour être suivie par tous, comme l'indique d'ailleurs, le sens de «grande route» qui s'attache à la dérivation de son nom. Le noyau (el-lobb), c'est la haqîqah, c'est-à-dire la vérité ou la réalité essentielle, qui, au contraire de la shariyâh, n'est pas à la portée de tous, mais est réservée à ceux qui savent la découvrir sous les apparences et l'atteindre à travers les formes extérieures qui la recouvrent, la protégeant et la dissimulant tout à la fois. (...) On peut dire que la shariyah, la «grande route» parcourue par tous les êtres, n'est pas autre chose que ce que la tradition extrême-orientale appelle le «courant des formes», tandis que la haqîqah, la vérité une et immuable, réside dans l' «invariable milieu». Pour passer de l'une à l'autre, donc de la circonférence au centre, c'est-à-dire le «sentier», la voie étroite qui n'est suivie que par un petit nombre. Il y a d'ailleurs, une multitude de turuq, de voies qui sont toutes les rayons de la circonférence pris dans le sens centripète, puisqu'il s'agit de partir de la multiplicité du manifesté pour aller à l'unité principielle: chaque tarîqah, partant d'un certain point; mais toutes, quel que soit leur point de départ, tendent pareillement vers un point unique, toutes aboutissent au centre et ramènent ainsi les êtres qui les suivent à l'essentielle simplicité de l'«état primordial».(3)
«Seulement, poursuit René Guénon,, c'est ici que l'écorce s'interpose et cache tout ce qui se trouve à l'intérieur, tandis que celui qui l'aura percée, prenant par-là même conscience du rayon correspondant à sa propre position sur la circonférence, sera affranchi de la rotation indéfinie de celle-ci et n'aura qu'à suivre ce rayon pour aller vers le centre; ce rayon est la tarîqah par laquelle, parti de la sharîyah, il parviendra à la haqîqah. C'est pourquoi Allah, de même qu'il est le «Premier et le Dernier» (El-Awwal wa El-Akher), est aussi «l'Extérieur et l'Intérieur» (Ez-Zaher wa El-Baten) (l'apparent et le caché), car rien de ce qui est ne saurait être hors de Lui, et en Lui seul, est contenue toute réalité, parcequ' Il est Lui-même la Réalité absolue, la Vérité totale: Huwa El-Haqq».(3)
Le soufisme et son ascendant en Europe
Pendant près de huit siècles, la civilisation musulmane a illuminé l'Europe dans l'Italie du Sud et surtout en Andalousie et pendant quelques décennies dans le sud-ouest de la France. Eric Geoffroy Younès a fait l'inventaire de ces acculturations depuis le haut Moyen-âge. Il écrit: «La mystique juive médiévale, témoigne d'une imprégnation profonde - et avouée - par le tasawwuf, au Moyen-Orient, en Espagne musulmane, et jusqu'en Catalogne et en Provence. L'influence supputée du soufisme sur sainte Thérèse d'Avila et saint Jean de la Croix aurait cheminé via les mystiques juifs espagnols. Par ailleurs, les sciences occultes telles que l'alchimie, l'astrologie ou l'arithmologie doivent beaucoup au monde de l'Islam, mais elles ne sauraient être identifiées à la discipline du tasawwuf».(4)
«Une des seules traces tangibles de la présence du soufisme en France à l'époque médiévale, poursuit Eric Geoffroy Younès, provient d'un proche du roi Saint Louis, son chroniqueur et ami Joinville (m. 1317). Celui-ci cite le Dominicain Yves Le Breton, arabisant, qui avait rencontré à Acre au XIIIe siècle une femme tenant le même langage sur l'amour divin que Râbia Adawiyya (m. 801), la sainte musulmane la plus renommée en terre d'Islam. (...) Elle suscite l'admiration des partisans du Pur Amour: il faut aimer Dieu ni par désir de Son paradis ni par crainte de Son enfer. Les «soufis» contemporains reconnaissent également une dette à l'égard de religieux chrétiens qui ont présenté des pans majeurs du patrimoine soufi...Certains chercheurs ont conjoint domaine d'étude et orientation spirituelle en pratiquant l'islam soufi, tel Eva de Vitray-Meyerovitch (m. 1998) et Michel Chodkiewicz. (...) René Guénon est le principal artisan de la pénétration du soufisme en France au XXe siècle. Sa pratique islamique et son appartenance soufie ont pourtant été marquées du sceau de la discrétion, mais son oeuvre ainsi que la correspondance qu'il a entretenue avec beaucoup de «chercheurs de vérité», a déterminé l'entrée dans la Voie de nombreux Français; ceux-ci seront souvent affiliés à la même voie-mère que Guénon, la Shâdhiliyya, qui a généralement incarné un soufisme sobre et lettré. Le «cheikh «Abd al-Wâhid Yahia», tel qu'il est connu en milieu musulman, établi au Caire en 1930 et décédé en 1951, continue d'exercer une influence singulière en Occident et dans quelques cercles en terre d'Islam».(4)
S'agissant justement de l'étude du soufisme, on peut évoquer, lit-on sur le site soufisme.org, l'enseignement des Naqchabandi principalement en Asie, des derviches tourneurs en Anatolie et en Europe balkanique, des Qadiri et des Chadilites majoritairement dans le Maghreb et au Proche-Orient et des Tijani en Afrique. Ces différentes voies se sont répandues depuis le Moyen Âge au sein de confréries (tariqas) dans lesquelles le disciple effectue un travail de transformation intérieure sous la guidance d'un maître vivant réalisé. De nombreux ouvrages de soufis illustres ont été traduits, principalement en anglais et en français, si bien que des auteurs tels qu'Ibn Arabî, Ghazali ou Rûmi peuvent être appréciés par un public de plus en plus large. Il n'est pas inutile de rappeler que, durant le dernier millénaire, une partie de l'Europe méditerranéenne n'a pas toujours été majoritairement chrétienne. L'Espagne et l'Italie du Sud ont été administrées pendant plusieurs siècles par les musulmans. Cette présence a notamment pu favoriser le développement de voies soufies dont un de ses plus illustres représentants fut Mouyiddin Ibn Arabî, né à Murcie en 1165.»(5)
«Une homonymie remarquable concerne l'utilisation du mot «pauvre». Ce mot désigne à la fois les disciples (i poveri) de saint François d'Assise (1182-1226) et les aspirants d'une voie soufie (foqaras en arabe). La doctrine de saint François d'Assise présente beaucoup de similitudes avec l'enseignement propre aux voies soufies. Une entrevue datée de 1219 est restée célèbre entre saint François d'Assise et le sultan al-Mâlik al Kâmil assisté du soufi Fakhr ad din Farisi. On ne connaît pas les propos qui furent échangés à cette occasion, mais on sait que l'entretien dura plusieurs jours et qu'il s'acheva par de chaleureuses salutations réciproques». Un écrivain qui s'inspira des écrits soufis fut Dante Alighieri (1265-1321) et son oeuvre maîtresse «La divine comédie». Cette oeuvre décrit le voyage symbolique de Dante à travers l'Enfer, le Purgatoire, et le Paradis. Sa symbolique reprend très fidèlement les notions développées par les poètes soufis. En particulier, de nombreuses correspondances avec le «Livre du Voyage nocturne» de Ibn Arabi, écrit un siècle plus tôt, et qui montre la descente aux enfers puis l'ascension à travers les différents cieux, accomplie par le Prophète de l'Islam (Qsssl), ont pu être établies. Il est en effet possible que Dante ait pu prendre connaissance des diverses traductions du «Livre de l'échelle» (Kitab al mir'aj) qui ont circulé au XIIIe siècle à la cour de Alphonse X le Sage, successivement en castillan, en latin et en français».(5)
«Plus près de nous, lit-on en conclusion, l'Emir Abdelkader (1808-1883) fut surtout célèbre pour son rôle de résistant face à la conquête de l'Algérie par la France et il s'illustra, notamment par sa bravoure et son esprit chevaleresque. Son rattachement dès le plus jeune âge à une voie soufie et la richesse inépuisable de ses «Ecrits spirituels» attestent la grande dimension spirituelle de ce combattant-écrivain hors du commun. Lorsque quelques années plus tard, alors qu'il avait trouvé refuge à Damas, il protégea des milliers de chrétiens qui risquaient d'être massacrés au cours d'un conflit. (...) En fait, à travers chacun de ses actes, l'Emir mettait en pratique l'enseignement qu'il avait reçu et son action dans le monde était le prolongement naturel de la contemplation de l'Unique».(5)
En conclusion, le soufisme, à travers ses différentes voies spirituelles, se présente avant tout comme un support de méditation et il a rarement eu une implication visible dans des phénomènes de société. La méditation transcendantale du soufisme devrait être pour nous un repère en ce mois de Ramadhan où on se goinfre pendant que 29.000 enfants somaliens sont morts et que dans les pays musulmans, il n'y ait aucun exemple de solidarité visible comme par exemple l'organisation d'un téléthon en lieu et place du m'as-tu-vu de cérémonies où les gens enturbannés font assaut de salamalecs. 10 Da - épargné du bavardage du portable - par habitant c'est près de 4 millions de dollars, soit 8000 tonnes de blé. C'est cela le vrai Islam!
1.Chems Eddine Chitour: L'Apport de l'Islam à l'humanité. L'Expression du 4 août 2011
2.Dr Nurbakhsh http://www.journalsoufi.com/soufisme 26.07.2001
3.Textes de René Guénon: Shaykh Abd el Wahîd Yahia Notes: Le Voile d'Isis, 03 193.p. 145 http://www.naqshbandi.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=15&Itemid=30
4.Eric Geoffroy: Le soufisme et la France Oumma.com 21 juillet 2011
5.Traces de soufisme en Europe occidentale http://www.soufisme.org/site/spip.php?article33
Lire également :
Salafisme et soufisme, l’éternel malentendu
http://islampaixamour.bloguez.com/islampaixamour/797889/Salafisme-et-soufisme-l-ternel-malentendu
Depuis un certain temps, tout particulièrement depuis l’avènement de la doctrine wahhabite qui se veut le chantre du salafisme pur et dur, nous assistons à un grand malentendu opposant le soufisme au salafisme. Ce malentendu prend parfois, hélas, la forme d’un conflit ouvert où l’anathème le dispute à l’excommunication (tekfîr).
Chacune des deux parties reproche à l’autre une série de griefs qu’elle juge incompatibles avec les principes authentiques de l’Islam. Les salafistes-wahhabites accusent les soufis d’être des innovateurs qui ajoutent à l’Islam des choses qui lui sont étrangères, comme le culte des saints, les séances de « dhikr » collectives, le tawassul (l’intercession des saints)… Les soufis reprochent de leur côté aux salafites-wahhabites leur attachement à l’aspect formaliste et littéraliste des textes de l’Islam et leur négligence de l’aspect spirituel et introspectif qui est le propre de toute religion, a fortiori l’Islam qui est la synthèse de toutes les religions révélées. Ils leur reprochent aussi leur propension à user de l’excommunication à tout bout de champ contre ceux qui ne partagent pas leurs thèses, quitte à ce qu’ils soient des musulmans.
En même temps, ils se défendent d’être des innovateurs et justifient les choses que leurs adversaires leur reprochent avec des versets du Coran et des hadiths du Prophète (qsssl).(1)L’histoire de l’Islam est jalonnée ainsi d’innombrables polémiques et controverses entre les partisans du soufisme et ceux du salafisme, chacun des deux partis défendant ses thèses à coups de versets coraniques et de hadiths prophétiques. Il en est ainsi de la célèbre controverse qui opposa le grand maître soufi d’Egypte Ibn ’Ata Allah Al-Iskandarî de la tarîqa chadiliyya, l’auteur des célèbres Hikam Al Atâïyya, au non moins illustre savant hanbalite Ibn Taymiyya sur ces points de divergence que nous venons de mentionner. Au cours de leur discussion, qui a eu lieu à la mosquée Al Azhar, nous disent les historiens, les deux savants parlèrent du tawassul (intercession) et de l’istighâta (demande d’aide) qu’Ibn Taymiyya refuse à tout autre que Dieu, car pouvant conduire à l’idolâtrie selon lui. Ibn ’Atâ Allah fit remarquer alors à Ibn Taymiyya que si l’on suit cette logique, il faudrait interdire aussi la vigne parce qu’elle permet de fabriquer du vin et castrer tous les hommes pour ne pas les exposer à la fornication....
Les saints de la montagne
http://iflisen2008.over-blog.com/article-le-soufisme-en-algerie-pour-contrer-les-salafisme-56300202.html
---------Peu de régions d'Algérie, même dans la pieuse Oranie, ont autant de saints et de qoubbas que le Djebel Amour, que ces saints soient des ascètes isolés, des ancêtres de tribus ou des représentants de confréries mystiques. Ces confréries ont joué et jouent un rôle considérable, comme nous avons déjà eu l'occasion de le voir pour les Ouled Sidi Cheikh et pour les Rahmania. L'échelle de leur importance n'est pas tout à fait la même pour les nomades et pour les sédentaires. En ce qui concerne les nomades, la plus influente est celle des Taïbia (d'Ouezzan, si importante dans l'extrême Sud-Oranais resté longtemps dans l'orbite du Maroc) ; puis viennent les Qadirias fondés par Abdelkader Jilani, le grand saint de Bagdad, qui a tant de qoubbas dans toute l'Oranie ; puis les Rahmania, fondés il y a deux siècles en Kabylie et dont les grands centres du Sud sont Tolga et El Hamel ; puis les fameux Ouled Sidi Cheikh (XVII11Q siècle) dont le centre est à El-Abiodh, près de Géryville ; puis les Tidjania fondés à Aïn-Madhi au XVIIIre siècle ; enfin les Derqaoua, branche moderne de la grande école Chadilia. Pour les sédentaires, les Taïbia sont aussi en tête, mais sont suivis par les Rahmania, les Qadiria et les Ouled Sidi Cheikh.
---------Sans quitter Aflou, nous avons, au cimetière, trois belles qoubbas : celle de Sidi Ben Guelloula, le mémorial de Sidi Abdelkader et le mausolée de Sidi Abdallah ben Osmân et Sidi-Bou-Menad, aïeul d'une branche des Ouled Mimoun Chéraga. Plus loin, sur la droite au sommet d'un mamelon où s'entassent les rochers, on vénère l'archaïque et mystérieuse Lalla Mougrène, déformation de Oum el Graïn, la Dame à la Petite Corne, car elle apparaît en rêve avec une petite corne brillante au sommet du front. Son sanctuaire a une allure préhistorique impressionnante : c'est un grand cercle ouvert d'un côté de grosses pierres brutes, d'un mètre cinquante de haut. De petits croissants de pierres moins grosses l'entourent, semblant indiquer des tombes ou des maqâms, bien qu'il n'y ait pas trace de cimetière dans toute cette rocaille. Lalla Mougrène, me dit un berger, est visitée par les femmes assez régulièrement. Signalons que, bien loin de là, au sud de Tindouf, aux abords du Rio de Oro, de la Saguiat el Hamra, la Vallée Rouge,, d'où viennent traditionnellement tant de santons, Fort Trinquet a pour nom ancien Bir Moughrein, déformation de Bir Oum Gran, le Puits de la Dame à la Corne.
---------A quelques kilomètres du centre, au flanc du Mont Sidi Okba (1.707 mètres), Sidi Boulefaâ est visité, pour obtenir la pluie, avec des bendaïr et des chants. Il doit son nom à ce qu'une vipère aurait été trouvée dans son berceau.
---------L'ancêtre des Adjalètes et de Sidi Boulefaâ lui-même, est Sidi Belqâcem ; et j'ai pu assister à Guelta au grand thaâm d'automne en son honneur, avec baroud à cheval, sous la présidence du vieux et respecté bachagha Mohammed Ben Mouaz ben Fatima.Sa tombe elle-même est plus loin dans la montagne.
---------Nous avons parlé des saints de Taouïala: Quand on se rend dans ce qçar, on voit, à droite, d'abord la montagne de Sidi Okba, puis celle d'Oum el Gdour, la Mère aux Marmites (dans lesquelles sont censés cachés des trésors), puis Quarn-el-ârif, la Corne de l'initié. Cette montagne est à Sebgag, chez les Ouled Mimoun Gheraba, château d'eau, tête du Chélif, où l'on ne compte pas moins de cent une sources jaillissantes.
---------C'est au col de Sebgag qu'est enterré Sidi Hamza devant la tombe duquel on fait parfois un repas collectif. Et le lieu saint le plus mystérieux de cette sauvage montagne est la grotte Khannoufa, où l'on entend résonner comme des chants étranges et des battements de bendaïr. Les Ouled Mimoun Gheraba et les Ouled Sidi Hamza y vont en ziara et l'on y égorge des moutons. Autour de cette grotte vivent de nombreux ledmis, grandes antilopes qu'il est interdit de tuer, même quand elles descendent vers la plaine. Et l'on me raconte qu'un chasseur tua, il y a une soixante d'années, une de ces bêtes. Il mourut ainsi que son slougui, dans d'atroces souffrances, se sentant écorché et dé-coupé en morceaux en même temps que l'on dépeçait l'animal. Et l'actuel caïd me dit qu'un jour, il eut, chasseur ardent, bien du mal à résister à la tentation de tirer sur un de ces ledmis, mais sentit heureusement son fusil s'appesantir lourdement dans ses mains. Disons, entre parenthèses, que le Djebel Amour est un pays, propice à la chasse. Les fameux mouflons, larouis, dont on voit de magnifiques dépouilles, sont devenus rares, mais il y a encore des antilopes, des outardes et beaucoup de perdrix parmi les genévriers, les touffes d'alfa et les armoises.
---------C'est au coeur du massif à l'embranchement de la piste de Sidi Bouzid et de celle qui conduit à Enfous (où, chez les Ouled Srour, fraction particulièrement isolée des Ouled Yagoub et Ghaba, coule une source sainte dite aïn-el-khadra, la Source Verte) que se trouve la belle qoubba (à curieux tambour mince, octogonal droit) qui abrite Sidi Osmân (des Ouled Sidi Hamza) et Sidi Khaled (des Ouled Yagoub el Ghaba), frères utérins, au milieu d'un cimetière ombragé par de très vieux genèvriers rouges, arars, dont certains sont ornés de chiffons votifs. Les descendants de Sidi Khaled y font un' thaâm en octobre. C'est dans cet endroit désert que, selon les légendes se réunit lediu ân eççalihîra, l'assemblée des saints cachés qui règlent mystiquement les destinées du monde. Il est en effet plein de beauté, de recueillement et de cette " religieuse terreur " qui émanait des bois sacrés, des luci et des alsoi antiques. ...