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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 18:58

Le Matin

 

Le printemps amazigh libyen
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Une faction amazighe libyenne

Depuis la chute de Ben Ali et Moubarak, la vague protestataire qui a soulevé les populations d’Afrique du Nord et de Moyen-Orient est qualifiée de "révolution arabe".

Pourtant, en Libye, la révolte des Berbères a créé une situation révolutionnaire qui n’est pas "arabe". Avant d’en parler, il convient de revenir sur la situation politique en Libye. Reconnu par les États-Unis, l’ONU puis la Russie, la Chine et enfin par l’Algérie, le CNT possède depuis sa formation un pouvoir plus virtuel que réel sur un pays, où la reconstruction est l’occasion pour les grandes entreprises, surtout françaises – en récompense de l’aide militaire apportée au CNT – d’arracher de substantiels contrats, financés par l’argent du pétrole qui représente 90 % des exportations libyennes. Tripoli tombé, les groupes pétroliers internationaux, l’italien ENI, le français Total, l’espagnol Repsol, l’allemand Wintersall, l’américain Occidental Petroleium et les nouveaux entrants, comme le russe Gazprom et le chinois CNOOC, se sont livrés en coulisses à une lutte féroce pour le pétrole. Faut-il encore que la situation politique soit stable et que le CNT règle le problème des institutions, ce qui n’est pas le cas.

Une transition difficile

Elle s’explique par la nature du régime de Kadhafi puis à son effondrement et au contexte où se développe "la révolution arabe". Après l’indépendance de la Libye en 1951, le roi Idriss est déposé par une junte dirigée par Mouammar Kadhafi qui fonde la "Jamahiriya", littéralement "République des masses" et s’octroie le titre de "Guide de la révolution". Le "Guide", devenu colonel dirige d’une main de fer le pays, mais sans toucher aux structures tribales du pays.

Bien au contraire, il intègre les 140 clans répartis en une trentaine de tribus dans un système basé sur l’alliance de trois grandes tribus, celle des Kadhafi, la tribu des Kadhadhfa (au centre), celle des Warfallah, la plus importante, à l’Est (en Cyrénaïque) et celle des Megariha à l’Ouest (en Tripolitaine). Plus au sud, les Toubou qui occupent le Fezzan ont fait acte d’allégeance à Kadhafi en 2007. Au final, la Libye était un pays sans parti politique et sans véritables institutions étatiques, avec à sa tête le colonel d’une armée prétorienne, formée de milices tribales et de mercenaires africains, dirigés par ses fils.

La "Révolution du 17-Février", partie de Benghazi, s’est élargie à toute la Cyrénaïque. Elle a été sauvagement réprimée par les forces kadhafistes, stoppées aux portes de Benghazi par l’aviation de l’OTAN. Le CNT qui s’y installe ne dispose d’aucune armée digne de ce nom, pour libérer les villes assiégées de Brega, Ben Jawad, Misrata, Zaoura et Zaouia. Il ne forme pas non plus, malgré le soutien militaire et politique de l’OTAN, puis financier des Émirats et de l’Occident, un pouvoir alternatif reconnu. De ce fait, la désintégration de la Jamahiriya s’est effectuée sans la coordination des fronts Est (Benghazi), centre (Misrata), Sud-Ouest (Djebel Nefoussa) et Sud (Fezzan) et c’est pendant ce processus qu’une situation, impossible à intégrer dans la "révolution arabe" est intervenue.

Le printemps amazigh libyen

Population pauvre et opprimée par Kadhafi, les Berbères du Djebel Nefoussa se sont engagés, dès le début, dans la lutte armée contre le régime. Malgré la brutalité de la répression, les Berbères ont pris, après de durs combats, possession de Wazzan, poste de contrôle de la frontière avec la Tunisie. Mettant leurs familles à l’abri, et ravitaillés en armes, munitions et équipements, le Comité de coordination des katibas berbères a infligé une double défaite aux khadafistes, l’une à Nalut, libérant les villes et villages de Kabaw, Rehibat et Jadu et une seconde à Zentan, libérant cette ville et celles de Kiklah, Yefren et Garyan. Les villes côtières de Zaouia et de Zaoura, bastion historique de l’opposition au régime, sont à leur tour tombées, ouvrant la route de Tripoli, prise pour l’essentiel, par l’Armée de libération berbère libyenne. Dans chaque village ou ville libérée, les insurgés ont procédé à l’élection de municipalités qui ont placé sur tous les bâtiments publics le drapeau berbère à côté de celui du CNT. Ils ont organisé des manifestations amazighes de grande ampleur et ont ouvert des écoles où l’on dispensait des cours de tamazigt, la langue berbère.

À Tripoli, les Berbères ont installé des Comités de quartier, chargés de démanteler les réseaux kadhafistes et de récupérer les armes. Les administrations, les hôpitaux et les écoles fonctionnent, et la vie économique a redémarré, dans le même temps que l’identité berbère s’est affirmée. Face au CNT qui a rédigé un projet de constitution posant les jalons d’une République islamique démocratique, les Berbères ont tenu à Tripoli un Congrès national amazigh dirigé par le président Fethi Bouzakhar qui a discuté et adopté un programme remarquable :

La langue amazighe en tant que patrimoine de tous les Libyens sans exception et la langue arabe sont les deux langues officielles de la Libye. Elles jouissent des mêmes droits et des mêmes privilèges quant à leur utilisation au niveau de toutes les institutions de l’État.... Après la libération et la stabilité de la Libye, les symboles de l’État doivent être conformes aux dimensions identitaire, historique, culturelle et intellectuelle de la Libye. La Libye est un État démocratique et souverain, avec un régime constitutionnel et parlementaire basé sur la séparation souple et équilibrée des pouvoirs (législatif, judiciaire et exécutif) et la décentralisation.

Il est interdit de constituer des partis politiques sur une base religieuse, régionale ethnique ou tribale. Et de manière générale, sur tout autre base discriminatoire ou contraire aux Droits de l’homme tels que reconnus universellement. Garantir l’égalité des libertés et des droits politiques, civiques, économiques, sociaux et culturels pour tous les Libyens (hommes et femmes). L’État veillera à garantir et à protéger l’égalité des chances et le droit à la vie comme premier droit de tout être humain. Donner et garantir les mêmes chances aux personnalités, coalitions et courants politiques afin d’exprimer librement leurs idées et conceptions dans le cadre d’un dialogue serein, pacifique, démocratique et conforme à la loi aussi bien au niveau des droits que des devoirs. Garantir la liberté d’existence sous toutes ses formes – intellectuelle, d’opinion, expressive – à travers toutes les formes de création, de diffusion et d’édition.

Le printemps berbère, largement soutenu dans toute l’Afrique du Nord et dans les diasporas, l’est aussi à Paris. C’est ainsi que le 9 avril, l’Internationale touarègue et Tamazgha ont appelé à un rassemblement de solidarité en lutte avec les Libyens au Trocadéro. Ce printemps berbère ne peut être ignoré en France, à un moment où le régime mafieux de Bouteflika s’effondre et que l’Étoile Nord-Africaine refait surface. Dirigée par Messali Hadj, elle regroupait des milliers de travailleurs, surtout Kabyles. Membre du Front populaire, l’Étoile a participé à tous les combats de la classe ouvrière contre le fascisme, le racisme, l’antisémitisme, les libertés démocratiques et pour le droit pour le peuple algérien de se constituer en nation souveraine, réaliser l’unité des peuples d’Afrique du Nord et construire un Commonwealth franco- nord-africain. Pendant la campagne des présidentielles qui s’ouvre, les partis politiques et les candidats doivent soutenir le Mouvement amazigh libyen et nord-africain.

Jacques Simon

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