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24 août 2009 1 24 /08 /août /2009 22:26


   Tant que l'Algérie ne s'est pas dotée d'avions bombardiers d'eau du genre Canadair, je pense que les leçons de cet été n'ont pas été apprises !  Il est illusoire de croire que c'est avec des camions-citerne que les pompiers pourront intervenir en forêt et en montagne (voir ci-dessous) 




DDK 25 août


Un été dramatique pour les forêts algériennes
Enjeux économiques et écologiques de la régression du patrimoine forestier





Sur les versants faisant face aux plages d’Azefffoun, au pied de Lalla Khedidja dans la fameuse station climatique de Tala Rana,, au bas de Taouialt à Tikjda et dans d’autres lieux bien boisés, la laideur et les sinistres traces du passage du feu sont là. Le nouveau paysage est fait de cendres fraîchement formées, de bois calciné encore debout pour quelques semaines et d’une image d’apocalypse sur un sol naguère herbu, arborescent et luxuriant qui donnait un supplément d’âme et de beauté à la région et qui assurait surtout un équilibre écologique fondamental. Dans certains endroits, comme dans la cédraie de Tikjda brûlée en 1999, même la régénération n’arrive pas encore à réoccuper le sol.

n  Par Amar Naït Messaoud

 

Le bilan des incendies de forêts pour la saison en cours ne sera établi qu’au mois de septembre pour l’ensemble des wilayas. Jusqu’à la fin juillet, la superficie parcourue par le feu dépassait déjà 6 000 hectares et comprenait les forêts proprement dites, les maquis, les broussailles, les arbres fruitiers, les céréales et les herbes sauvages.

Les incendies de forêts qui affectent chaque année le patrimoine forestier algérien ne cessent pas d’inquiéter au plus haut point tous ceux- scientifiques, pouvoirs publics, associations écologiques et citoyens- qui ont une conscience aiguë des enjeux environnementaux de ce début du 21e siècle. Soumis à plusieurs facteurs de dégradation tout au long de l’année (défrichements, occupation illicite pour l’habitat ou un autre usage, surpâturage,…) le patrimoine forestier algérien subit les aléas liés au climat méditerranéen qui se caractérise par une forte sécheresse estivale. Pour cette saison, les températures de la côte et de la partie septentrionale du pays ont atteint des intensités qui rappellent celles du Sud algérien, soit des pics de 45 et 46 degrés Celsius. Cependant, si la relation entre l’état de siccité du matériel végétal de la forêt et des maquis d’une part et les fortes chaleurs du milieu de l’été d’autre part relève d’une logique naturelle qui prédispose les bois à la combustion, d’autres raisons interviennent directement dans le déclenchement de l’incendie une fois que les conditions sont réunies.

La forêt méditerranéenne est, en tout cas connue pour sa grande sensibilité au feu. Le drame qui frappe depuis trois jours les forêts qui entourent la ville d’Athènes en Grèce et qui menace les habitations suburbaines est un exemple fort éloquent. Que ce soit en Grèce, en Turquie, en France méridionale, en Espagne, au Portugal, au Maroc ou en Italie, le couvert végétal perd une forte proportion d’humidité à partir de la fin du mois de mai suite à l’entrée en vigueur de la saison sèche qui se prolonge parfois jusqu’au début octobre. Cette situation a fait que l’écosystème forestier du pourtour de la Méditerranée est d’une fragilité exceptionnelle. Les changements climatiques par lesquels sont chamboulées les saisons ont aggravé le phénomène des incendies de forêt. En 2007, la gravité des incendies ayant affecté le patrimoine sylvicole du Portugal pendant plusieurs semaines a nécessité l’intervention de plusieurs pays européens. Les peuplements de chêne-liège, l’une des premières rentes du pays (premier exportateur du monde de cette matière première), ont subi des d’énormes dégâts y compris sur la façade atlantique.

Pour avoir une idée de l’ampleur des superficies incendiées chaque années, l’on peut rappeler par exemple les chiffres issus du bilan de l’année 2006 qui fait ressortir une superficie incendiée de 16 916 hectares. Comparé à la moyenne des superficies incendiées depuis l’Indépendance, soit 30 000 ha par an, ce chiffre paraît ‘’tolérable’’. Signalons que la moyenne des superficies perdues au cours des dix dernières années suite aux incendies est évaluée à 25 000 ha/an sur l’ensemble du territoire national. 

 

Pertes économiques et menace écologique

Les conséquences écologiques et économiques des incendies de forêts ne sont encore pas établies de façon précise. Néanmoins, l’on sait pertinemment que la perte du couvert végétal due aux incendies de forêts pèse de plus en plus sur l’écosystème algérien et que notre dépendance de l’étranger en matière de bois se confirme chaque année. Le pays perd dangereusement chaque année une grande partie du couvert végétal déjà bien maigre qui ‘’s’accroche’’ sur sa partie nord. Même si les conséquences du déboisement se manifestent à moyen et à long terme, les prémices sont déjà là : érosion des sols, y compris les piémonts et les plaines céréalières, envasement des barrages et retenues hydriques, diminution du capital cynégétique et du gisement ligneux, disparition de certaines sources d’eau et reflux de l’activité touristique.

Les incendies de forêts constituent des risques majeurs pendant leur déroulement dans le sens où les hameaux et villages sont directement menacés par les flammes. Le drame qui frappa en 1994 la commune de Toudja, dans la wilaya de Béjaïa, est toujours présent dans les mémoires : une dizaine de morts et des centaines d’hectares d’oliveraies anéanties en l’espace d’une semaine. En 2007, ce fut les collines de Beni Douala, dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui s’enflammèrent pendant des semaines au point d’emporter des vies humaines et des maisons.

Le couvert végétal, y compris les céréales et les arbres fruitiers, demeure ainsi soumis à la grande hypothèque des incendies à chaque saison estivale.

Le patrimoine forestier national est estimé à quelque 7 millions d’hectares, comprenant les forêts, au sens technique et économique du terme, les maquis et la nappe alfatière. Les forêts proprement dites, les maquis et les broussailles occupent une superficie de 4,1 millions d’hectares, soit 11% de la superficie du Nord du pays. Les efforts du gouvernement en matière d’ extension de cette couverture forestière est de la ramener à un taux minimum de 25% de la superficie de la région Nord du pays. Ce patrimoine subit les aléas naturels liés à la géographie et à la climatologie du milieu dans lesquelles il évolue et des aléas anthropiques liés à l’activité des populations locales. Les facteurs naturels qui conditionnent le milieu forestier sont essentiellement : le climat semi-aride qui domine la majorité des massifs situés dans les monts de l’Atlas tellien et qui se caractérise par une période sèche très longue dans l’année et une pluviométrie moyenne allant de 400 ou 500 mm/an, la forte pente qui gêne le dispositif d’intervention dans la lutte contre les incendies et la prédominance des essences résineuses (Pin d’Alep) facilement inflammables. Même si sur la région côtière et sur les hautes altitudes la pluviométrie est plus importante (plus de 800 mm sur les sommets de Jijel, Béjaïa et le Djurdjura), les facteurs favorisant le déclenchement des feux de forêt ne manquent pas : forte présence de sous-bois, activité humaine intense et proximité des routes à partir desquelles beaucoup de foyers d’incendies sont signalés. En outre, la forte présence humaine dans la partie septentrionale du pays est à l’origine d’autres formes de dégradations (défrichements à but agricole ou de construction illégale,…).

 

Facteurs multiples de dégradation

 

L’action anthropique est incontestablement le facteur dominant de dégradation des forêts. Les facteurs sociaux et humains qui concourent à la dégradation de la forêt sont, entre autres : la forte présence humaine autour et à l’intérieur des massifs forestiers, la pauvreté et le chômage qui conduisent les habitants à commettre des délits forestiers pour pouvoir subvenir à leurs besoins primaires (coupe et vente illicites de bois, fabrication de charbon pour les rôtisseries à partir du chêne vert, défrichements pour l’extension des parcelles de céréales, surpâturage,…), la présence des carrières d’extraction de pierres et des stations de concassage à l’intérieur des massifs, les constructions illicites d’immeubles à usage d’habitation ou d’élevage, les incendies liés aux activités agricoles, aux actes criminels et à la lutte anti-terroriste,…

Ces différents facteurs, dans une combinaison qui se retrouve dans la majorité des régions du pays, ont fragilisé davantage l’écosystème forestier et réduit l’étendue du couvert végétal. Des niches écologiques propres au singe magot et à certains rapaces de montagne ont été fortement perturbées. Des sources dans lesquelles s’abreuvaient des perdrix, des lapins de garenne et d’autres animaux se sont taries au point de remettre en cause la vie faunistique en forêt. Cependant, l’interdiction de la chasse et l’exode des populations rurales depuis l’avènement de l’insécurité dans l’arrière-pays montagneux ont conduit à la prolifération du sanglier qui a fini par investir la périphérie des villages et les zones sub-urbaines. À la périphérie immédiate de certains massifs (à l’image du Parc national du Djurdjura), des espèces ont pullulé par le moyen de l’hybridation. C’est le cas du chacal qui, après copulation avec le chien, a donné à une espèce de chien sauvage qui s’est attaqué ces dernières années aux habitants des bourgades et villages attenants à la forêt.

Le rôle de la police forestière échu aux Conservations des Forêts des wilayas a vu sa marge de manœuvre réduite au cours de ces dernières années pour plusieurs raisons : d’abord, la loi qui régit le secteur des forêts (loi 84-12) est dépassée par les événements au vu de son caractère non dissuasif. Les amendes et les sanctions qui y sont prévues contre les délinquants sont trop faibles par rapport à la nature des dégâts auxquels elles s’appliquent.

De ce fait, la récidive ou la consécration du fait accompli sont souvent la règle. Ensuite, cette mission a été longtemps entravée par la situation sécuritaire. Après la survenue des premiers actes terroristes dans les wilayas du Nord, les agents forestiers ont été désarmés au même titre que les citoyens. A cela, s’ajoute la détérioration de certaines infrastructures comme les maisons forestières situées à l’intérieur même des massifs et qui hébergeaient les gardes forestiers chargés de la protection des massifs contre toutes sortes de délits.

 

Prévention et lutte sur le terrain

 

L’administration des forêts, forte d’une tradition de protection et de sauvegarde du patrimoine forestier, a tracé dans ses programmes des plans de prévention comprenant l’action administrative de coordination avec les autres secteurs, la sensibilisation et les actions sylvicoles qui contribuent à la réduction des risques. Dans ce cadre, un ‘’plan feu’’ est préparé chaque année par les Conservations des forêts de wilaya à partir du mois de mars. Le document qui en est issu est adressé à plusieurs institutions et structures (wilaya, Protection civile, APC, daïras, Sonelgaz, Travaux Publics,…) pour que chacune d’entre-elles initie les actions de prévention dépendant de son secteur selon les servitudes qui lui reviennent : débroussaillement au-dessous des lignes électriques et aux abords immédiats des routes avant le 30 juin de chaque année,…Des Comités de coordination de commune, de daïra et de wilaya sont  ensuite installés pour assurer la coordination des opérations de lutte contre les incendies.

 Des actions de sensibilisation sont initiées à l’endroit des populations, des écoliers et des institutions à l’occasion de la Journée nationale de l’arbre (25 octobre) et de la Journée mondiale de l’arbre (21 mars), ainsi qu’à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification (le 17 juin).

Dans le cadre de ses programmes (PSD, PPDR, PER, PCSC, Hauts Plateaux,…), l’administration des forêts a aussi initié des actions de traitement sylvicoles des massifs (coupes d’assainissement, de dépressage, de dégagement et d’éclaircie) de façon à réduire la densité de certaines parcelles trop touffues, des opérations d’aménagement de tranchées par-feu, des actions d’ouverture et d’aménagement de pistes au milieu des massifs ainsi que l’aménagement de points d’eau dans ou à la périphérie des massifs forestiers.

Au cours de la période estivale, l’administration des forêts recrute des ouvriers temporaires pour renforcer la lutte anti-incendie.

Les moyens matériels mobilisés pendant la campagne de lutte contre les incendies ont beaucoup évolué au cours de ces quatre dernières années. Alors qu’auparavant les wilayas étaient dotées, dans le meilleur des cas,  d’un camions-citerne, de quelques véhicules 4X4 et de quelques lots d’outillage traditionnel (pelles, pioches, haches, serpes,…) qu’elles affectent aux circonscriptions, ces moyens ont été revus à la hausse et diversifiés. La lutte de proximité mobilise aujourd’hui des véhicules 4X4 munis de citernes incorporées avec la benne. Une quinzaine de wilayas ont été déclarées prioritaires en matière de lutte contre les incendies et leurs circonscriptions ont été dotées de véhicules 4X4 avec citerne.  Lors des grands incendies dont l’ampleur dépasse les capacités d’intervention d’une wilaya, comme ceux de1994 qui ont dévoré des massifs entiers de l’Est jusqu’à l’Ouest du pays, le wali déclenche le Plan ORSEC qui peut faire intervenir plusieurs wilayas limitrophes. Ces wilayas mobilisent principalement les unités de la Protection civile qui sont sous leur coupe.

Après une quinzaine d’années de disparition du réseau radio utilisé dans la lutte contre les incendies de forêts, la direction générale de ce secteur a procédé cette année à la réinstallation de l’appareillage nécessaire à ce précieux moyen de communication.

Les conditions sécuritaires au milieu des années 1990 avaient amené les responsables des forêts à se délester des services de la communication radio. Sa disparition a été vivement ressentie sur le front de la lutte anti-incendie où elle a toujours joué un rôle inestimable dans la coordination de l’action, la mobilisation des moyens humains et matériels et la progression des équipes à l’intérieur des massifs.

Avec le nouveau réseau des transmissions- au sujet duquel une formation a été assurée aux techniciens radio exerçant dans les différentes wilayas du pays -et les dernières dotations en équipements anti-incendie (véhicules 4x4 équipés de citernes) acquis par les Conservations des wilayas, la surveillance des massifs et la stratégie d’intervention sont censées s’améliorer et gagner en efficacité. Cependant, il demeure évident que la meilleure lutte contre les incendies est liée à la phase de prévention et de sensibilisation qui devra toucher toute la société et ses institutions (administrations, école, associations, organisations professionnelles, médias, mosquée,…).

Sur le plan de la reconstitution du patrimoine forestier et de son extension sur d’autres espaces asylvatiques, il y a lieu de souligner les efforts louables de la Direction générale des forêts qui, via le PNR (plan national de reboisement), compte procéder à la plantation de quelque 100 000 ha/an de terrains incultes ou déboisés pour peu que le feu et le délit de pacage soient réellement conjurés. Dans ce sens, une partie de ce programme est déjà réalisée dans plusieurs wilayas. Le reste devra l’être pendant les prochaines campagnes de plantation.

Cependant, force est de constater que le meilleur des investissements demeure la sensibilisation de la société tout entière, la formation du citoyen par l’école et par une culture environnementale conséquente à tous les niveaux ; car, dans une économie rentière comme la nôtre, qui installe les solutions de facilité dans les esprits et donne l’illusion d’une richesse inépuisable, c’est de révolution des mentalités qu’il s’agit pour faire prendre conscience aux citoyens et aux autres segments de la société civile du danger qui guette notre pays et du chaos que nous risquerions de transmettre aux générations futures.

 Amar Naït Messaoud

iguerifri@yahoo.fr

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